Frédéric Anquetil, c'est le
capitaine incontournable du Montpellier Handball, un bon client aussi
pour les interviews ...
Muriel & Émilie : Y a une rumeur qui court
sur toi disant que tu va partir, qu'est-ce que c'est cette histoire
?
Frédéric Anquetil : Non, c'est vrai, c'est
la réalité. Je suis vieux. J'arrive à un âge
où y a des jeunes qui sont là, qui sont aussi fort que
moi. J'ai l'impression de ne plus rien apporter au club. Je vais me
rabattre sur autre chose et je vais apporter autrement.
M&E : Rassure nous, tu t'en va pas ailleurs ?
Frédéric : Je vais jouer nulle part, j'arrête
tout. J'ai toujours dit que je finirais ma carrière au MHB. Je
sens que je peux encore jouer mais j'ai des obligations familiales :
quand on part en déplacement 4 jours pour jouer une heure de
match et puis avec le temps, sur une heure je joue de moins en moins,
c'est un peu galère. Ça fait 15 ans que j'y suis. J'ai
un gamin qui a 2 mois et demi et un autre six ans, je veux en profiter
et je pense que j'ai autre chose à faire.
M&E : Comment tu vas savourer tes 4 derniers mois
?
Frédéric : Comme d'hab'. En donnant le max
de ce que je peux apporter sur un terrain. A l'entraînement
: effort, convivialité et puis enthousiasme. J'ai toujours été
à 100% dans tout ce que j'ai fait, donc je vais continuer par
là. C'est vrai que ça va être un changement dans
ma vie de tous les jours. Quand je partirai au boulot, je prendrai plus
un short et des baskets, je prendrais plutôt un sifflet. Il va
y avoir un changement mais c'est pas la fin du monde, c'est juste un
carrefour de ma carrière de sportif. Je vais tourner une page
mais c'est pas une fin en soi.
M&E : Ta reconversion, ça va consister en
quoi ?
Frédéric : Je vais continuer à travailler
avec le club. J'ai encore des choses à leur apporter même
si je ne sais pas encore à quel niveau. Il faut que je m'entretienne
avec mon "responsable-chef-manager général" Patrice Canayer
qui me connait mieux que personne et saura où je peux apporter.
Comme à la Mairie je m'occupe déjà de tout ce qui
est handball dans les quartiers, j'aimerais bien confirmer tout ça,
essayer de créer des clubs, trouver des éducateurs ...
développer au niveau fédéral avec un parrainage
avec le club.
M&E : Pendant le mondial, vous avez vécu
comment à l'entraînement ?
Frédéric : On est resté à 4 pendant
2 mois, plus le centre de formation. On a bossé physiquement,
sur des choses de base, un gros travail technique individuel. Un mois
ça va mais 2 mois, c'est un peu galère.
M&E : Et de retrouver les autres maintenant ?
Frédéric : Ce qui est un peu ennuyeux c'est
qu'on s'est entraîné 2 mois à fond, parce qu'on
était tout seul, mais quand tu sais que tu vas moins jouer parce
que c'est eux les forts et nous les moins forts, et que sur le terrain
il manque un peu d'envie parce que les mecs sont un peu saturés,
c'est dur. Parce que toi, t'as une envie énorme et c'est eux
qui ont gagné; c'est un peu lésant. Moi, ça fait
15 ans que je joue et j'ai jamais pleurer pour jouer. Si je joue pas
c'est que je suis moins bon. On est voué à travailler
et on va continuer.
M&E : Ton sentiment sur l'équipe de France
et sa performance ?
Frédéric : Ils ont été très
fort sur le mental. A mon avis, ils n'ont par produit un handball extraordinaire
mais ils ont été vaillants, gaillards. Ils ont trouvé
des ressources mentales individuellement et collectivement énormes.
C'est bien.
M&E : Ça les a forgé pour Montpellier
?
Frédéric : Non, je crois pas. Parce que ce
soir je pense qu'il nous a manqué l'envie de montrer qui est
Montpellier. Si on continue à jouer avec des champions du monde
mais qu'on montre pas l'impact physique ... Il faut à un moment
donner que ce titre nous serve et que ça laisse des traces sur
le terrain, pas uniquement une Coupe, une photo. Il faut que ça
se matérialise sur le terrain.
M&E : Et qu'est-ce que tu penses de Greg ?
Frédéric : C'est un fou, il va nous faire mourir.
Greg a été à l'image de son mondial : un peu en
retrait sur la première semaine, là où il n'y avait
pas besoin d'être besoin, et puis tu t'aperçois qu'y a
qu'un grand joueur qui peut faire ce qu'il a fait. Sur les 3-4 derniers
matchs, c'est réellement les vieux joueurs qui ont répondu
présent. Et puis c'est mon frère, au niveau familial,
y a toujours quelque chose de plus.
M&E : C'est de la fierté ?
Frédéric : Je suis content parce que y en a
au moins un dans la famille qui a réussi. Ce qui m'aurais fait
chier c'est qu'il prenne la décision de ne pas aller au mondial. Sur
2-3 situations, il n'y a que lui qui était capable de faire ça.
Par rapport à son investissement et au recul qu'il a eu pour
revenir en équipe de France, c'est bien que ce soit lui qui ait
réussi à faire ça.
M&E : Tu penses qu'il a raison de s'arrêter
maintenant avec l'équipe de France ?
Frédéric : J'arrive bien à la fin de
l'année et personne me dit de reprendre ...
M&E : Si, nous on te le dit !
Frédéric : C'est pas des décisions qui
se prennent en 10 secondes. Sa décision d'arrêter l'équipe
de France est réfléchie. Moi, je l'ai prise au niveau
du Montpellier Handball, ça c'est fait tranquilou. J'espère
qu'il a discuté avec sa femme, comme moi avec la mienne, avec
son entourage. Il m'en a parlé un peu aussi. Et puis il a un
avenir professionnel qui se dessine, un gamin, moi j'en ai deux. Je
le comprends même si je n'ai jamais joué en équipe
de France.
M&E : Tu dis que tu n'as jamais joué en
équipe de France, c'est un petit regret ?
Frédéric : J'y ai joué quand même
un peu mais j'ai pas envie de parler de ça étant donné
que je suis pas très "équipe de France". Je suis plutôt
pour la vie de club, le peuple. Je joue à l'ancienne. On s'ouvre
la tête et puis après encore plus à l'apéritif. Tout
travail mérite salaire, c'est mon dicton. A partir du moment
où on a tout donné, on peut se regarder dans le blanc
des yeux, on va boire un coup et on se dit nos 4 vérités.
M&E : Championnat, Coupe d'Europe, bientôt
Coupe de France, t'envisages ça comment pour l'instant ?
Frédéric : Je pense que sur le papier on a
une équipe qui est la meilleure de France. Mais on arrive pas
à réaliser l'osmose entre les différentes cultures,
des nouveaux joueurs, des anciens. Y a un peu de gachis. Je pense qu'on
peut faire 10 fois mieux d'autant que arrêtant en fin d'année,
j'aimerais tout prendre encore une fois. Quand je vois le match qu'on
a fait ce soir j'ai un peu de regrets dans le sens où on sait
ce qui va nous attendre et je crois qu'on a loupé un grand truc,
qu'on a déjà loupé en championnat la semaine dernière.
Quand tu es fort, c'est ce qu'il ne faut pas faire : tu gagnes à
Ivry, ce soir de +5. Je pense qu'on peut encore mentalement beaucoup
progresser.
M&E : Le match retour à Celje, ça
va être dur ?
Frédéric : D'une part, j'espère que
j'y serai. Ça va être 3000 personnes sauf qu'ils sont tous
en jaune et vert. Ils n'ont pas perdu dans leur salle, sauf peut-être
contre Barcelone, depuis quelques années. Sur le match qu'on
a vu aujourd'hui, ils ont géré une heure alors que là-bas
ils vont lâcher les chevaux. Ils savent très bien qu'ils
vont nous exploser. Le seul petit truc positif c'est qu'ils pensent
qu'ils vont nous marcher dessus. Quand tu es trop prétentieux,
ça peut se retourner contre toi. D'après l'Équipe,
on a 20% de chances de passer en 1/2 finale. Ça va être
dur mais en récupérant les qualités qui nous ont
manqué ce soir à savoir la vaillance, l'engagement, se
faire mal, on peut les inquiéter avec nos 20%. Mais si comme
ce soir on n'en utilise que très peu, on passera à la
trappe comme les autres.
M&E : Tu as vu une évolution des supporters
depuis que tu es là ?
Frédéric : Ça commence à s'organiser. Avant,
il y avait autant de bruit que maintenant, parce qu'il y avait 200 fous
furieux et 500 personnes en tout alors que maintenant y a 3000 personnes
mais toujours les mêmes 200 fous furieux. Les gens sont comme
nous sur le terrain, en réaction. Quand tout va bien, ils sont
contents, quand tout va mal "bahhh". A un moment donné, il va
falloir que vous comme nous, on soit régulier. Qu'on démarre
à partir de zéro et qu'on finisse avec le plus grand écart
de but. Et que vous, vous finissiez avec plus de voix du tout. Je tire
un grand coup de chapeau aux Blue Fox parce qu'il y a un grand travail
de fait et "à cause" de ces gens là, on a gagné
des matchs. Sans ça, on n'y arriverait pas. Un club c'est des
dirigeants, des joueurs, des bénévoles, et aussi un club
des supporters qui a une grosse activité Le seul regret
que j'ai, c'est qu'on n'arrive pas à vous rendre ce que vous
nous apportez. Sur le terrain, on se doit de se défoncer. Mais
dans les déplacements, on aimerait participer, faire la fête
avec vous, chanter mais ... on n'a pas le droit.
M&E : Ton meilleur souvenir de hand ?
Frédéric : Gonfreville l'Orcher - Saint-Valéry,
minimes 2 : 13-12. J'avais marqué 8 buts.
M&E : Le pire?
Frédéric : Le décès de mon président
adoré et chéri, Jean-Paul Lacombe.
M&E : Plat préféré ?
Frédéric : La grillade du midi avec une bonne
salade et du Perrier.
M&E : Boisson ?
Frédéric : Le Perrier.
M&E : (Rires)
Frédéric : Dans la vie de tous les jours je
suis très soft. Mais quand j'ai gagné, j'ai le droit de
boire ma bière. Le handball, c'est pas qu'une heure de match;
c'est une semaine d'entraînement, parler avec des gens qui je
l'espère s'intéressent à nous. La bière
c'est la bière. J'adore, surtout la pression.
M&E : Film ?
Frédéric : Je suis pas trop cinéphile.
Le Père Noël est une ordure ... J'arrête, je vais
dire des bêtises.
Émilie : T'as quelque chose à rajouter
?
Frédéric : Je suis pas fini. Je vais jouer
ma saison, et j'espère que je vais apporter encore énormément.
Je suis fier qu'on passe un cap, qu'on devienne un handball de haut
niveau. Avec les anciens, Greg, Peggy, je suis fier de l'image
qu'on a donné au hand de Montpellier. J'espère qu'on
reste accessible, qu'on n'est pas suffisants.
M&E : Dernière question, tu sens qui comme
futur capitaine ?
Frédéric : Laurent Puigségur.
M&E : Nous aussi. On finira par bon anniversaire
(le 26/02).